Fin de notre chapitre sur les années 90 avec un zoom sur l’ambiance au Parc et les groupes de supporters. Avec la reprise du club par Canal +, les dirigeants du PSG veulent endiguer la violence en tribunes et favoriser les collectifs de fans plus apaisés. Le Virage Auteuil voit le jour, mais le hooliganisme est encore bien présent au Kop de Boulogne.
Auteuil devient un « Virage »
Depuis le titre de champion de France acquis par le PSG en 1986, le spectacle n’est plus au rendez-vous et l’affluence des spectateurs ne cesse de dégringoler (perte de la moitié d’entre eux en 5 ans). Avec les moyens financiers apportés par le nouvel investisseur Canal + et le bon début de saison des hommes d’Artur Jorge, le club parisien prend un nouveau virage. La direction souhaite profiter de cet engouement pour développer et améliorer l’ambiance au stade. Avant les années 90, seuls les ultras du Kop de Boulogne donnent de la voix pour encourager leur équipe. La manière est cependant remise en question à cause d’incidents et de violences répétées, illustrés par un hooliganisme exacerbé à tendance nationaliste. Les dirigeants de la chaîne cryptée en ont un échantillon en octobre 1991 : à la suite d’une défaite au Parc face à Toulon, les supporters de Boulogne deviennent violents et partent en affrontement avec les forces de l’ordre.
Dans un souci d’apaisement des tribunes, les dirigeants décident de « casser » le KOB pour faire naître un nouveau virage, juste en face, en tribune Auteuil. C’est ainsi que voit le jour les Supras Auteuil et Lutèce Falco, collectifs financés par le club. Les anciens groupes du virage Boulogne comme les Boys, les Rangers et les Gavroches restent dans leurs gradins. Une rivalité s’instaure entre les deux camps, sans que le leadership du Kop Boulogne ne soit remis en cause. Le PSG est dorénavant encouragé des deux côtés de son enceinte.
Niveau identité, les groupes d’Auteuil se revendiquent plus pacifistes et tolérants, contrairement à Boulogne et son côté contestataire, très anglo-saxon. Tout au long des années 90, les ultras d’Auteuil, qui qualifient symboliquement leur tribune de « virage », progressent dans l’encouragement vocal, la qualité des animations et la présence lors des déplacements.
Le Virage Auteuil prend comme modèle l’Italie et ses ultras, avec des animations en tribunes à l’occasion de l’entrée des joueurs sur le terrain. Le 5 avril 1995, le PSG reçoit le Milan AC en demi-finale aller de la Ligue des Champions. En début de rencontre, la tribune Auteuil dévoile une « chorégraphie feuilles ». Elle sera élue meilleur TIFO européen de la saison par la très sérieuse et réputée Société italienne TIFO. Une belle reconnaissance dans le monde du supportérisme.
Plus généralement, les tifos réalisés en Coupe d’Europe durant les années 90 – notamment celui contre le Steaua Bucarest – conservent une part importante dans le cœur des supporters.
Cette scission entre les deux tribunes menée par les dirigeants sera globalement une réussite avec une réduction des violences dans le KOB, malgré quelques débordements encore présents.
Du drame PSG-Caen, à l’hommage à Raï
Plusieurs événements liés aux supporters parisiens viennent en tête au moment de s’intéresser à eux pour la période 91-98. Dans le bon, comme dans le mauvais.
Évacuons tout de suite le mauvais. Très médiatisés, les incidents du match PSG-Caen du 28 août 1993 vont marquer les esprits par leur degré de violence et leurs conséquences politiques.
À l’époque, le hooliganisme parisien est à son apogée. Pour stopper ces agissements qui polluent son stade, l’état major parisien décide de fermer l’étage supérieur de Boulogne en début de saison, officiellement pour travaux. Officieusement, le club essaie de contrôler ses éléments les plus perturbateurs.
Nous sommes à la demi-heure de jeu quand la situation s’envenime en tribunes. Au départ, le seul épiphénomène, c’est cette chaussure lancée sur la pelouse par un ultra du Kop, qu’il ira récupérer tranquillement sans opposition du service de sécurité. Au moment où il remonte dans les gradins, c’est là que tout dégénère. Les CRS veulent interpeller le jeune homme mais les ultras ne l’entendent pas de cette oreille, et les affrontements commencent. Matraques et bombes lacrymos des forces de l’ordre viennent s’opposer aux violences physiques des hooligans. Un moment de la scène montrant plusieurs de ces derniers tabasser un CRS va particulièrement retenir l’attention. L’image est forte, choquante. Elle passera en boucle sur toutes les chaînes de télévision. Bilan du quart d’heure d’horreur : une dizaine de blessés chez les CRS, dont deux graves. Le monde du football est sous le choc. Le PSG réagit en premier par son président, Michel Denisot : « Les casseurs sont impardonnables. Je tire donc de nouveau la sonnette d’alarme. Il faut que ceux qui sont connus et fichés par la police n’entrent plus dans le stade. Mais pour ce faire, il faut nous donner les moyens de leur interdire cet accès, grâce à une loi adaptée. Pour l’heure, nous sommes impuissants ».
Il y aura un avant et après ce 28 août 1993. Le pouvoir politique s’empare du problème : Michèle Alliot-Marie, ministre des Sports, met en place une loi visant à lutter contre le hooliganisme et plus généralement contre toute forme de violence dans les enceintes sportives. Elle rentrera en application dès décembre. Le PSG prend également des dispositions et décide de faire appel à des sociétés de sécurité privées pour assurer la bonne tenue des matches. C’est le début des stewards.
Au-delà des décisions pénales, c’est l’apparence de tout le KOB qui va changer après Caen. Alors que la tribune est sous le feu des projecteurs suite aux incidents, les leaders sont arrêtés et jugés avec pour certains des peines de prison.
Passons maintenant aux événements plus heureux, avec les moments de fêtes et de joies. Comment ne pas citer le deuxième titre de Champion de France de l’histoire du PSG de fin de saison justement, signe du retour du spectacle et des supporters au stade. Malgré le fait que la fête soit un peu gâchée par la demi-finale perdue en Coupe d’Europe contre Arsenal, les supporters parisiens verront cette année leur équipe tout écraser en Championnat, avec une série de 27 matches sans défaite. Le Parc des Princes enregistre même une affluence supérieure sur la saison au Stade Vélodrome de l’OM, à l’époque considéré comme le meilleur public de France, avec une moyenne de spectateurs autour des 29 000. Un pic est même établi à 39 000 personnes pour la réception du club sudiste.
En dehors du trophée en championnat, les victoires en Coupe de France et la Coupe des Coupes remportée contre le Rapid Vienne avec la descente des joueurs sur les Champs-Élysées restent également un souvenir marquant pour les supporters.
La double confrontation en 1997 contre Liverpool pour la demi-finale de Coupe des Coupes a également une saveur particulière. En effet, l’équipe du nord de l’Angleterre et ses supporters ont joué un grand rôle dans la création et l’inspiration du Kop de Boulogne, qui prendra sa dénomination du célèbre Kop d’Anfield. Cette venue des fanatiques du club anglais en terre parisienne, c’est un peu comme la réception de son grand frère spirituel. Même émotion au match retour, où les ultras du KOB traversent la Manche comme une forme de pèlerinage. L’ambiance dans le stade est impressionnante, mais les encouragements des fanatiques du PSG sont présents pour pousser Raï et ses partenaires. Malgré la défaite 2-0, les Parisiens sont qualifiés après leur succès à l’aller (3-0) et accèdent à la finale de la compétition. La dernière étape sera finalement remportée de justesse par le FC Barcelone de Ronaldo, sur le score de 1 à 0.
Comment ne pas aussi évoquer la fameuse musique qui accompagne encore aujourd’hui joueurs et supporters parisiens, à chaque entrée des équipes dans l’enceinte de la Ville Lumière. Le célèbre morceau de Phil Collins « Who said I would » a commencé à résonner lors du premier match de la saison 92-93 au Parc des Princes face à Sochaux. A l’époque, la mélodie avait été remixée par Thierry Segaust, responsable son du Parc des Princes, pour dynamiser l’ambiance. Un air très attaché aux supporters.
Enfin, la fête réservée à Raï lors de son dernier match au Parc le 25 avril 1998 contre Monaco reste dans toutes les mémoires des Parisiens. Un stade coloré aux jaunes et verts du drapeau brésilien, des animations, tifos et chants durant toute la rencontre pour rendre hommage à son emblématique joueur. Le milieu auriverde ne pourra retenir ses larmes, déclarant avant de partir : « Vous resterez pour toujours dans mon cœur ».
https://www.youtube.com/watch?v=1Br1rrjojfE&t=45s
Date d’apparition des nouveaux groupes de supporters :
Octobre 91 : création officielle des Supras Auteuil et des Lutèce Falco.
Août 92 : création du collectif des Rangers. Ils seront situés en tribune Boulogne Bleu.
Mai 1995 : naissance du groupe de supporters « PSG Grand Sud », localisés en tribune B bleu.
Juillet 95: création d’un rassemblement : les Titi Fosi, en tribune A bleu.
20 juin 1997 : création du groupe de supporters Hoolicool. Ils sont situés en tribune K Rouge.
Sources :
Mon histoire passionnée du Paris Saint-Germain – Daniel Riolo