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Tuchel face au vestiaire parisien, le défi de l’autorité

Depuis son rachat  par Qatar Sport Investments, et plus encore depuis le départ du duo Ancelotti-Leonardo, le Paris-SG est régulièrement pointé du doigt pour son manque d’autorité sur les stars de son vestiaire. Les coachs se succèdent, les directeurs sportifs changent mais il reste toujours cette impression désagréable d’un pouvoir faible, voire friable.

 

S’il fallait trouver un point commun à Laurent Blanc, Unai Emery et Thomas Tuchel, la question de leur autorité sur les stars du Paris Saint-Germain arriverait sans doute en bonne position.

Jeunes dans le métier mais auréolés du succès de leurs expériences précédentes, tous trois avaient a priori des atouts semblables pour imposer au PSG leur personnalité, leur style et, surtout, leur vision du jeu.

Force est de constater que les deux premiers cités n’ont pas réussi à incarner cette figure d’autorité qui semble la pièce manquante, la clé pour ouvrir à notre équipe les portes d’une épopée européenne qui survivrait à mars.

« Il nous faut Simeone ! » ; « Rappelons Ancelotti et Leonardo » ; « Nasser ne doit plus être si proche des joueurs ! ». Les observateurs et les supporters débordent de suggestions pour combler la faille dans l’organisation du PSG.

Avec l’arrivée d’Antero Henrique l’été dernier, le club de la capitale pensait avoir réglé la question.  Un « vrai » Directeur Sportif devait permettre de restaurer l’autorité du coach et, plus largement, celle de l’institution. On l’a tous cru. Un an plus tard, cela semble bien naïf.

L’autorité revient donc encore et toujours au cœur des débats. Nul doute que Tuchel sera confronté lui aussi à ce défi : imposer ses choix sans se mettre à dos les cadres du vestiaire ; faire adhérer des joueurs aux CV longs comme le bras à sa vision du football.

 

 

L’autorité, mais de quoi parle-t-on ?

Cette notion d’autorité tant de fois évoquée semble indispensable à la réussite de notre club, mais dans l’agitation propre à notre sport nous avons perdu de vue son sens. Une mise au point s’impose.

Prenons un cliché du monde du foot : « Le coach affirme son autorité en sanctionnant le joueur ». Une phrase tellement entendue que plus personne n’y prête vraiment attention. Elle est pourtant parfaitement erronée ! Car, selon sa définition classique*, la sanction est déjà la faillite de l’autorité. Celle-ci requiert en effet l’obéissance, mais exclue la violence ou les moyens de coercition.

Comment peut-on réussir à se faire obéir sans bâton ni carotte ? Pour réussir ce tour de force l’autorité s’appuie nécessairement sur des structures et des règles préalables. Elle ne se décrète pas, elle est le résultat d’une organisation hiérarchique que chacun trouve légitime.

Légitimité et hiérarchie, voilà les deux piliers qui soutiennent l’autorité.

L’entraineur faisant preuve d’autorité se reconnaît donc par le fait que ses joueurs lui obéissent, appliquent ses consignes sans qu’il ait besoin de les envoyer faire un tour en CFA.

Cela se traduit par exemple par la réussite d’Arrigo Sacchi au Milan AC à la fin des années 80. Imposé par Silvio Berlusconi, Sacchi jouit alors d’une autorité dont il hérite avant d’acquérir par lui même une autorité comparable à celle du spécialiste sur son sujet : comme le médecin capable de donner à son patient des conseils sur son propre corps, Sacchi enseignait à ses joueurs une nouvelle façon d’exercer leur propre métier.

Ainsi, la force d’un système autoritaire est de reposer sur des règles venant d’une source extérieure et supérieure aux hommes qui prennent effectivement les décisions. Si bien que ces hommes en tirent la légitimité, donc l’autorité nécessaire pour être obéi.

Comme le maître d’école, le leader « autoritaire » n’a pas à persuader pour être suivi. Utiliser des arguments implique une relation d’égalité alors que l’entraineur « autoritaire » est hiérarchiquement au dessus de ses joueurs. Les décisions, quand elles proviennent d’une personne dont c’est le rôle et qui, pour chacun, est légitime, ne sont pas remises en question.

Pour résumer la notion d’autorité, on pourrait reprendre la formule  de Jaques Chirac quand il décrivait ses rapports avec Nicolas Sarkozy, alors son ministre de l’Economie : « Je décide, il exécute ».

Mais la réalité dans le football comme dans la politique est bien différente.

 

L’autorité, une utopie dans notre football, une chimère pour Paris

Cette relation verticale entre les différentes composantes d’un club paraît en effet bien difficile à retrouver aujourd’hui. Quel est l’entraineur qui n’a pas besoin de persuader ses joueurs de le suivre ? Quel est le président qui peut imposer ses vues à tout l’organigramme de son club sans la moindre justification ?

Seuls certains très grands clubs peuvent se targuer d’un fonctionnement pyramidal aussi limpide. Leur culture, l’idée supérieure de ce que représente l’institution peuvent alors être assez fortes pour réunir les conditions dans lesquelles l’autorité peut s’exercer.

Si l’on se replonge dans le contexte parisien, ce mode de fonctionnent semble pour le moment inaccessible, irréaliste et même néfaste si on tentait de l’imposer. Imaginer un instant Thomas Tuchel imposer quoique ce soit à Neymar c’est plonger dans un cauchemar de polémiques et de divorces sur fond de transfert en Espagne…

Réclamer le retour de l’autorité ne semble donc pas vraiment pertinent dans notre football où les joueurs sont souvent acteurs, décideurs, employés et actifs principaux de leurs clubs. La réalité ressemble bien plus à une partie d’échec où chacun tente continuellement de faire tourner le rapport de force à son avantage.

* Dans cet article nous nous appuyons notamment sur ​La Crise de la culture, ​de Hannah Arendt (1961), et plus particulièrement sur l’essai ​Qu’est-ce que l’autorité ?

 

 

Lawrence pour Paris United

Paris United

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