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Tuchel doit se réinventer

La défaite du Paris Saint-Germain dimanche soir en Bretagne a mis en exergue  ses  insuffisances collectives et les erreurs tactiques de Thomas Tuchel. Dans un contexte tendu par le cas Neymar, le discours de plus en plus plaintif et individualisé du coach Allemand apparaît à contre courant de la ligne édictée par la nouvelle direction sportive.

 

Leonardo, une main de fer dans un gant de velours

Leonardo l’a confié en privé, il retrouve un Paris Saint-Germain en plus mauvais état qu’il ne l’avait laissé. Entre temps la direction cajoleuse, erratique et inconsistante du club n’a fait que tapé du chéquier sur la table, sans grand succès.La saison dernière, Tuchel s’est adapté en remplaçant la méthode de la carotte et du bâton par celle, moins connue, de la papouille et du bisou… jusqu’à l’effondrement face à Manchester.

Face à ce constat le Brésilien donne très tôt la nouvelle ligne de conduite par quelques interviews maitrisées et choisit surtout d’évacuer rapidement les dossiers de son prédécesseur. Trop malin ou trop conscient du chantier pour ne pas y ajouter la désorganisation d’une prise de pouvoir brutale, Léonardo referme le chapitre Henrique sans en arracher les pages. La disparition de l’équipe réserve ? Leonardo acquiesce sans sourciller. Les joueurs ciblés pour cet été ? Leonardo approuve et finalise. L’entraineur a encore un an de contrat ? Leonardo discute et semble fraterniser avec Tuchel. C’est ce retournement lent, doux mais inexorable qui est le grand événement de ce mois d’août . Plus encore que l’incertitude sur la destination de Neymar, c’est cette période de guerre froide avec un joueur d’envergure mondiale qui démontre la détermination du club et de son nouveau directeur sportif à changer radicalement de cap.

Neymar, qui était le cœur du projet, apparaît désormais comme le dernier vestige de l’ancien régime, un roi capricieux et anachronique à l’heure des Sarabia, Diallo et autre Herrera. Ceux qui ne devaient être que des compléments semblent aujourd’hui devoir incarner le nouvel état d’esprit du club tandis que Neymar se retrouve pour le moment marginalisé.

 

Depuis Manchester, Tuchel a bien changé

Si la défaite à Rennes n’a pas démontré l’importance du crack Brésilien, on y reviendra, elle a en revanche mis en lumière un réel blocage tactique et intellectuel de Thomas Tuchel. Pourtant excellent tacticien, il s’est trompé dans les grandes largeurs en alignant un système non seulement inefficace mais flou, imprécis et presque improvisé… Le contraire de ce qu’on attend d’un coach réputé rigoureux, inventif et précis. Pour expliquer cette contre-performance, l’Allemand a pointé une préparation physique disparate, encore à parfaire et des joueurs incapables de faire la différence en un contre un par « manque de tonicité ». On attendait plutôt une explication de fond sur le comportement collectif de son équipe, à la peine tactiquement, elle ne viendra pas. Pire encore, pour expliquer un des deux buts encaissés, l’Allemand évoque le manque de préparation de deux joueurs, relevant que « si les deux Brésiliens (Marquinhos et Thiago Silva) [étaient] à leur meilleur niveau, on ne [prenait] pas le but ». Tuchel individualise les problèmes alors que la mise hors de position de son équipe ne peut pas être seulement due au manque de réactivité physique des Brésiliens, il personnalise les manques mais n’évoque plus que trop rarement la force collective que devrait dégager son équipe.

Et cela ne date pas de dimanche. Combien de fois depuis la déroute de Manchester l’a-t-on entendu analyser en profondeur le jeu de son équipe, la tactique et la réussite on non du collectif ? Inutile d’éplucher les interviews d’après match pour se douter de la réponse… car les explications du coach parisien étaient souvent (trop souvent) les mêmes : les absents, des blessures, les pelouses, l’arbitre ou encore les défaillances individuelles.

La disparition des analyses tactiques dans le discours de Tuchel n’est pas seulement un problème pour la profondeur de son discours, c’est aussi et surtout la traduction d’un état d’esprit, d’une vision du foot aux antipodes de ce qu’il nous avait laissé entrevoir. Il était pourtant celui qui parle tactique, qui, selon Ancelotti, évoque une « action coordonnée entre plusieurs joueurs par laquelle on cherche à atteindre un objectif donné ». Une interprétation hautement collective du jeu que l’Allemand a visiblement perdu de vue. Il y a un an, à son arrivée, Tuchel était pourtant animé par cette vision, ce prisme d’équipe, quand il affirmait que « le plus important est de créer un atmosphère au sein de l’équipe, un esprit d’équipe ». On en est loin, et l’impression laissée par le PSG à Rennes n’est pas vraiment celle d’un rouleau compresseur, d’une machine aux rouages bien huilés, comme en témoigne la faiblesse du pressing parisien. Le cas Neymar, nous y revenons, semble avoir changé l’ordre des priorités dans la vision de l’entraîneur Allemand  en le poussant constamment vers l’individuel quand sa préoccupation première devrait être le groupe. Evoquer le manque d’efficacité en un contre un après la bouillie collective du Roazhon Park est encore une façon détournée d’évoquer l’absence du Brésilien. Cela vire à l’obsession et c’est franchement ridicule, car s’il est impossible de battre Rennes sans Neymar autant donner dés maintenant l’Hexagoal aux Bretons. On plaisante bien sûr, mais il n’en reste pas moins que l’attitude de l’Allemand replace le club dans une position d’infériorité, de dépendance à Neymar qui ne doit pas être du goût de son directeur sportif Brésilien. Lui qui, dès son arrivée, souhaitait promouvoir un état d’esprit plus collectif et se libérer enfin des exigences individuelles incessantes.

 

Tuchel doit se mettre au diapason

Se libérer ? Oui c’est bien de liberté qu’il s’agit. Alors que le fair-play financier, la remontada ou les désidératas des ses stars étaient autant de facteurs ou d’événements qui ont longtemps conditionné les choix de la politique sportive parisienne, Leonardo veut être de nouveau la cause première des choix du club. Et c’est le sens de son action depuis sa nomination.

Flexible quand il s’agit de mener à bien les dossiers entamés avant lui et dont la conclusion rapide est possible (il a finalisé les transferts de Sarabia, Gueye et Herrera, des pistes ouvertes par Henrique), mais d’une impitoyable fermeté sur tous les sujets qui peuvent l’entraver à long terme (Neymar), Leonardo se ménage progressivement une liberté de mouvement rarement obtenu par un dirigeant au PSG depuis 2011. Les temps changent à Paris et, pour s’orienter, Tuchel ferait bien de ne pas se tromper de Brésilien.

Lawrence Elvidge

Paris United

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