Paris, transition ou ambition ?
A Paris un peu plus qu’ailleurs les renaissances sont souvent italiennes. Tel un aristocrate féru d’art, Leonardo rapporte parfois de ses voyages transalpins des artistes qui pourront le divertir lors des belles soirées de printemps. En amateur raffiné, il a même su choisir des talents qui ont le bon goût de ne pas coûter trop cher à leur nouveau mécène. Cette semaine a ainsi vu grandir l’excitation autour de l’équipe parisienne et des nouveaux horizons que cette fin de mercato un peu folle lui a ouvert. Contradictoire avec les déclarations « anti bling-bling » de Leonardo en Lorraine ? Pas si sûr.
Quand le Directeur sportif du PSG prend la parole dans les couloirs de Saint-Symphorien la semaine dernière, une nuée de micros se tend immédiatement vers lui. La scène est frappante et résume assez bien le défi de communication que doit constamment relever Leonardo : envoyer à un grand nombre d’interlocuteurs des messages différents mais cohérents. Et le Brésilien a encore démontré son habileté dans l’exercice en s’adressant de façon subtile aux média, à ses supporters, à Neymar, au Barça et même à certains membre de son propre club.
Car, avec quelques jours de recul, il semble clair que l’allusion au « bling-bling » relevait en grande partie d’un exercice de communication interne. Le Brésilien, qui avait déjà les arrivées de Icardi et Navas dans un coin de sa tête, connaît trop le monde du foot pour ne pas avoir deviné l’impact galvanisant de ses recrues sur ses supporters. Tenter de refroidir cet enthousiasme en une phrase aurait tout de même été un peu présomptueux. Et, surtout, il sait que le manque d’humilité vient moins du virage Auteuil que de certains étages de la Factory, le siège du club.
Une fois passées les urgences du mercato, le grand défi du Brésilien est bel et bien de redonner une ligne directrice et d’unir les forces d’un club qui frôle parfois dangereusement sa caricature de luxueuse succursale de l’état Qatari. Son nouveau Directeur Sportif pense sans doute que cela passe par une communication plus sobre qui ménagera la tranquillité dont les joueurs ont besoin, sans ajouter de pression supplémentaire sur leurs épaules. L’emballement qui a précédé le huitième de finale retour face au Real Madrid et la très faible prestation parisienne qui a suivi ont servi de leçon.
Des ambitions intimes
« Vivre avec certaines situations », pour reprendre les mots de Leonardo, n’est pas extraordinaire dans un club, ni insurmontable si ces « situations » sont bien gérées. Le retour convaincant de Neymar avec sa sélection laisse ainsi espérer qu’il puisse être un employé modèle à défaut de l’idole attendue il y a deux ans. Son non-départ cet été n’est ainsi pas seulement dû au prix demandé par Paris mais aussi à des performances qui se raréfient. Avec ses blessures, ses affaires, son père, on oubliait progressivement le joueur de foot et le souvenir de ses grands matchs s’estompait. La situation est si délicate qu’un très bon joueur aurait bien du mal à s’en remettre, mais les pieds magiques de Neymar peuvent certainement le tirer de là.
Cavani n’a pas été très présent lui non plus. Pour un tel athlète, l’enchaînement de blessures musculaires ces derniers mois interpelle. Son corps de trentenaire est il en train de le lâcher ? Où faut-il chercher aussi une explication mentale alors que sa situation contractuelle (il est dans sa dernière année de contrat) et sportive semble plus précaire ?
L’arrivée d’Icardi n’est évidemment pas faite pour le rassurer. L’attaquant argentin, qui reste sur une saison tronquée à l’Inter où il s’est progressivement brouillé avec tout le monde, n’est sans doute pas venu pour s’asseoir sagement sur le banc en attendant que Cavani lui cède la place. Il va donc falloir lui en trouver une tout en ménageant la sensibilité de l’Uruguayen meilleur buteur de l’histoire du club. Contrairement à ce que laissent penser les réactions de certains supporters, l’arrivée de l’ex-buteur de l’Inter n’a pas supprimé Cavani de l’équation, effacé ses records, son statut et son dévouement toujours exemplaire. La force d’un club se mesure aussi à sa mémoire et à sa capacité d’honorer ses grands joueurs. S’il est probable que l’histoire de Cavani avec Paris touche à fin, celle-ci doit tout de même être à la hauteur de l’empreinte qu’il laisse.
Le grand gagnant de cet été éprouvant aura finalement été Kylian Mbappé, toujours escorté par sa constellation de bonnes étoiles. Il voulait plus de responsabilités, la situation des ses partenaires lui offre le leadership sur un plateau. Même sa sortie de route des trophées UNFP paraît aujourd’hui une simple anticipation sur une réalité qui s’est bien vite matérialisée. Ce statut qu’il recherchait le place dans une situation idéale à l’aube de cette saison qui doit le propulser vers l’Euro 2020.
A marche forcée
La conjoncture est donc complexe mais pas forcément négative, bien au contraire. Par quasi-obligation professionnelle comme Neymar et Icardi, par ambition comme Mbappé ou par orgueil comme Cavani, les stars parisiennes ont de bonnes raisons de vouloir réaliser une grande saison. Unir ces volontés au sein d’un projet sportif solide est le grand défi de Tuchel, bien sûr, et de Leonardo qui a déjà commencé à redéfinir le cadre de travail.
Oui le directeur sportif prépare l’avenir, c’est son rôle, et le profond renouvellement d’effectif en cours se prolongera sans doute l’été prochain. Mais la thèse d’une saison de transition, interprétation assez douteuse de son show en Lorraine, résiste difficilement à l’examen des cas individuel. Ce n’est sans doute pas ce qui a attiré un gardien de la trempe de Navas et encore moins ce dont à besoin Neymar, qu’il parte ou qu’il reste. Il y a fort à parier que Thomas Tuchel lui ne s’y trompe pas : une transition est peut-être le seul luxe que la Capitale ne peut pas lui offrir.