Une carrière : Ça se construit
Une carrière, ça tient à peu de choses : un choix de club, un entraîneur, une rencontre. De plus en plus, les jeunes veulent gagner beaucoup d’argent et jouer dans les grands clubs très tôt. Mais une carrière, c’est un marathon, pas un sprint.
Gagner de l’argent et, si possible, des titres : voilà les objectifs de la plupart des joueurs de football. Rien d’anormal. Sauf que souvent, les premiers choix déterminent la suite. Aujourd’hui, et grâce à l’arrêt Bosman qui concerne la libre circulation des travailleurs, les joueurs quittent leur club de plus en plus tôt. Et c’est un problème pour nombre d’entre eux.
Premier problème, le temps de jeu
Avant l’arrêt Bosman, un joueur partait après avoir déjà joué un certain nombre rencontres chez les pros. Désormais, ils s’en vont même avec zéro minute au plus haut niveau. Pourtant, à ce moment-là, la formation n’est pas finie, surtout pour une grande majorité de joueurs.
Pour progresser, il faut jouer. La post-formation est un moment charnière du footballeur. S’entraîner, même avec de grands joueurs, c’est bien mais ça ne dure qu’un temps. Pour évoluer, il faut jouer, être confronté à la compétition, à l’adversité, à l’intensité d’un vrai match.
Trop souvent aujourd’hui, les jeunes partent dans un club qui va leur offrir un long contrat et un très bon salaire, mais où la concurrence est très élevée. Les échecs sont alors multiples. Les joueurs sont souvent prêtés, mais là aussi, rarement dans le bon club pour s’épanouir. C’est souvent un choix par défaut en se disant « j’y vais un an pour jouer et après je reviens ». Sauf que ce club ne correspond pas toujours aux qualités du joueur.
Grandir tranquillement
On ne le dira jamais assez, mais pour construire sa carrière, il faut être bien entouré. Ça permet de bien choisir son club, trouver celui qui correspond à son jeu mais aussi à son caractère. Et parfois, au lieu d’aller dans le club qui donne le plus gros salaire, il vaut mieux aller dans celui qui donne moins mais qui va permettre franchir des paliers.
Pour prendre des exemples concrets, on pourrait parler de Firmino et Mané et, à l’inverse, de Kakuta.
Le Brésilien, à 26 ans, n’avait remporté aucun titre avec ses clubs. Il était passé de Figueirense à Hoffenheim. Après 4 ans à grandir en Allemagne, il signe à Liverpool. Quatre ans plus tard, il remporte la Ligue des champions, la Premier League et la Coupe du monde des clubs. Et pas dans un rôle de doublure mais de titulaire indiscutable. Il a rencontré le bon coach, le bon système de jeu et le bon club au bon moment.
Avec lui, Sadio Mané. Après Metz, le Sénégalais a rejoint le RB Salzbourg. Deux ans pour grandir puis rejoindre l’Angleterre et Southampton. En 2016, il s’engage à Liverpool avec aucun titre à son palmarès. En 2020, il aura gagné les plus grands titres de club.
A contrario, Gaël Kakuta a rejoint Chelsea très jeune. Signant un long contrat (6 ans), il a alors été prêté chaque saison en Angleterre, en France, aux Pays-Bas. Malgré un talent certain, il s’est perdu et n’a jamais confirmé son potentiel qui aurait dû lui permettre d’atteindre le très haut-niveau.
Peut-être que je vais passer pour un rêveur, un utopiste ou un idéaliste, mais une carrière : ça se construit. L’objectif ne doit pas être de gagner des titres et/ou beaucoup d’argent à 20 ans. La vraie question à se poser, c’est : où vais-je progresser aujourd’hui ? Quel club et/ou entraîneur va me permettre d’optimiser mon potentiel, me faire passer des étapes ? Quant à l’argent, dois-je prendre tout de suite une grosse somme quitte à me perdre, ou faire le total en fin de carrière ?
Les jeunes du PSG
Au PSG, de nombreux jeunes quittent le club sans avoir pu montrer leurs qualités. Odsonne Edouard, Diaby, Nkunku, mais aussi Kouassi ou Aouchiche sont autant de cas différents.
Edouard est parti au Celtic Glasgow après un prêt qui ne s’est pas très bien passé à Toulouse. En Ecosse, il s’éclate, joue et progresse. Dans peu de temps, on devrait le retrouver dans un club de Premier League.
Nkunku, lui, a pu postuler dans un club intermédiaire mais du haut du tableau, le RB Leipzig. Mais il avait joué près de 80 matchs avec le PSG. Il avait donc des certitudes sur ce qu’il était capable de faire. En Allemagne, il est en train de franchir les paliers. Dans le même pays, on retrouve Moussa Diaby. Beaucoup utilisé par Thomas Tuchel (25 matchs de championnat), le coach parisien comptait le conserver et continuer à lui donner du temps de jeu la saison suivante. Mais forcé à partir par les dirigeants pour faire rentrer de l’argent, le jeune titi a choisi un club allemand avec une certaine ambition, légèrement en-dessous des tops clubs. Là aussi, le choix s’avère payant, pour l’instant.
Cette saison, ce sont donc Aouchiche et Kouassi qui ont quitté le club. Le premier a fait le choix de rester en Ligue 1, à Saint-Etienne. Au PSG, il n‘aurait pas eu de temps de jeu, ou trop peu. Mais il a surtout fait le choix de rejoindre un coach, Claude Puel, réputé pour faire jouer et progresser les jeunes, notamment dans l’exigence que le haut niveau requiert.
Enfin, il y a Tanguy Kouassi. Paris lui proposait à peu près la même chose que le Bayern Munich. En revanche, le contrat ne pouvait être que de trois ans dans la capitale, quand il est de cinq chez le champion d’Europe. Blessé en début de saison, Tanguy Kouassi n’a pas été inscrit sur la liste des joueurs pour la Ligue des champions. D’ailleurs, d’après Houssem Loussaief sur RMC, il aurait eu des garanties de ce côté-là, le club allemand ayant décidé de le faire reprendre tranquillement en Bundesliga pour ne pas brûler les étapes.
Évidemment, il est jeune et il a le temps. S’il se remet bien, il pourrait donc faire partie de la liste actualisée pour les matchs à élimination directe. La question qui se pose avec lui, c’est plutôt : n’a-t-il pas vu trop grand trop vite ? La concurrence au Bayern est importante. Au PSG, avec le temps de jeu qu’il avait eu la saison dernière, il aurait joué. Entre décembre, son premier match à Montpellier, et mars, son entrée en jeu face à Dortmund, il a participé à 13 rencontres dont deux en Ligue des champions. L’avenir nous dira s’il a fait le bon choix.
On pourrait citer également Coman. Parti à la Juve, il a eu du mal à ses débuts. Puis, il a rebondi au Bayern, peut-être un club où son caractère et son jeu étaient mieux mis en valeur. Dommage que ses blessures l’empêchent d’avoir de la régularité.
On pourrait ajouter les joueurs qui ont beaucoup joué avec le club de la capitale mais avec des fortunes diverses. Areola, a été bon voire très bon lors de tous ses prêts (Bastia, Villareal…). Mais, de retour à Paris, il n’a jamais montré les qualités d’un gardien de haut niveau.
Évidemment, parmi les joueurs formés au club, ces dernières années, certains ont réussi à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Kimpembe. Dans l’ombre de Silva, David Luiz et Marquinhos, il s’est appuyé sur ses partenaires pour progresser et s’imposer.
Rabiot est un cas à part. Pas complètement formé au PSG, il est parti en prêt à Toulouse pendant six mois avant de revenir et de s’imposer sous Laurent Blanc.
Personne ne peut savoir ce que réserve l’avenir. En revanche, même si chaque parcours est différent, il existe de nombreux exemples qui doivent servir aux jeunes pour éviter de se tromper. Et même si nous sommes dans la génération « je veux tout et tout de suite », il est souvent préférable d’apprendre à marcher avant de vouloir courir.