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Mbappé, Evoluer pour grandir

Depuis plusieurs semaines, Kylian Mbappé n’apporte pas ce qu’on est en droit d’attendre de lui. Même si la crise sanitaire et le calendrier sont sûrement responsables, il y a aussi, dans son comportement, des attitudes qu’il doit changer pour progresser.

Nous sommes plus exigeants avec les joueurs de talent ou à fort potentiel, et c’est normal. Kylian Mbappé n’échappe pas à cette règle. On attend donc plus d’un joueur déjà champion du monde même s’il n’a que 22 ans (il les aura le 20 décembre).

Quand il est arrivé au PSG, il venait de participer à ses six premiers mois au plus haut niveau. Il avait impressionné tout le monde par sa puissance, son efficacité, son insouciance. Il avait grandement participé à l’obtention du titre de champion de France de Monaco devant… le PSG, mais aussi au parcours du club de la Principauté en Ligue des champions (élimination en demi-finale).

Dans la capitale, le champion du monde va continuer à montrer de grosses qualités et à progresser. Puis, doucement, il va commencer à modifier son jeu et son comportement. Même s’il sera présent face au Real lors de l’élimination en huitième de finale et qu’il passera au travers du match retour, pour lui aussi, comme pour Thomas Tuchel, le vrai tournant, c’est l’élimination face à United en 2019.

Lors du match aller, il va réaliser une belle performance, comme son équipe. Malgré cela, il va manquer la balle de 0-3 en voulant piquer son ballon devant De Gea. Avec le recul, c’était presque le but la qualification. Au match retour, il va réaliser la passe décisive pour l’égalisation de Bernat. Mais en seconde période, il va manquer deux contres, dont un sur lequel il va carrément glisser avant d’éliminer De Gea. Paris sera éliminé.

Même si un joueur n’est jamais seul responsable d’une élimination, Mbappé sait qu’il en a une part de responsabilité. Pour preuve, sa réaction, le match suivant, lorsqu’il marquera contre l’OM, face à la tribune Auteuil, et qu’il aura alors un geste étrange qu’on peut interpréter comme « voilà, désolé, j’ai marqué mais on aurait tous préféré que ce soit face à Manchester ».

Une relation avec Neymar qui pose problème

Avant ce match, l’ancien monégasque avait déjà entamé une mutation. Dans son jeu, de nombreux gestes superflus commencent à faire leur apparition, comme ce passement de jambes qu’il répète régulièrement et qui est, parfois, inutile. Mais ce n’est pas tout.

Lors des deux premières saisons, avant les blessures de Neymar, les deux joueurs abusaient de la recherche de l’autre, comme si leurs partenaires n’existaient pas. Pire, on avait l’impression, parfois, de voir deux joueurs dans leur quartier qui cherchaient à humilier leurs potes.

À partir de là, on a eu l’impression d’un Mbappé qui voulait absolument prouver qu’il n’était pas qu’un joueur de profondeur, qu’un pousse-ballon. Il lui fallait alors prouver que, comme Neymar, il était capable de gestes techniques, de beaux buts, de dribbler plusieurs joueurs. Il va même modifier son jeu jusqu’à demander plus souvent le ballon dans les pieds que dans les espaces.

Personne n’a jamais pensé que Mbappé était un pousse-ballon. Mais personne n’a jamais pensé qu’il avait la technique de Neymar. Comme il cherche à être comparé aux meilleurs, il a voulu montrer que lui aussi savait faire autre chose. Évidemment, en Ligue 1, pas de problème, ça passe. Mais en Ligue des champions, ça ne passe pas.

Quand, en quart de finale de la Ligue des champions, alors que Paris est mené 0-1 par l’Atalanta, et que Tuchel fait entrer le français alors qu’il a été victime d’une grosse entorse en finale de la coupe de France face à Saint-Etienne, les italiens reculent alors leur bloc de vingt mètres. Ils n’ont pas eu peur du Mbappé qui vient demander le ballon dans les pieds, mais de celui qui plonge dans les espaces et peut faire très mal grâce à sa vitesse. Et ça va marcher puisqu’il va être décisif, son entrée en jeu modifiant l’aspect tactique du match.

Tout n’est pas à jeter, au contraire

Lui ne veut pas qu’on parle d’âge, mais nous y sommes obligés. Heureusement que Mbappé n’est pas un joueur complet à seulement 22 ans. Il manque aujourd’hui d’efficacité. Cela peut paraître bizarre quand on voit le nombre de buts qu’il marque par saison. Mais si on faisait le rapport occasions / buts marqués, c’est encore insuffisant. Dans ses statistiques, on voit également qu’il donne beaucoup de buts.

Le problème, c’est qu’il faut toujours regarder dans quels matchs il marque, dans quels matches il gonfle ses stats, en prenant en compte la faiblesse de la Ligue 1. Pour l’instant, dans les matchs qui comptent vraiment, il y a un manque.

Pour franchir un cap, Mbappé doit garder ce qui est positif, et évoluer sur les autres éléments. Par exemple, arrêter de vouloir faire du Neymar. Un joueur peut s’inspirer d’un autre, mais sur les points qui correspondent à ses qualités. Il doit limiter le superflu pour être plus efficace. En revanche, il doit s’appuyer sur sa force à prendre la profondeur, à demander le ballon en mouvement et pas arrêté, à prendre le ballon pour faire mal et pas pour faire beau.

Le champion du monde doit également travailler sur le respect du jeu. Quand le PSG joue en 4-4-2 par exemple, il doit rester plus axial et éviter de se déporter constamment côté gauche. Oui, il veut rentrer sur son pied droit, c’est la mode. Mais à Monaco, quand il jouait avec Falcao devant, soit il restait proche de lui, soit il partait de la droite. Et en sélection, à la coupe du monde, il a joué 90% de son temps côté droit. Bizarre non ?

Enfin, il y a un élément, récent, mais qui commence à déranger : son attitude corporelle. Mercredi, face à Lorient, il a été déplorable avec l’arbitre, et ce n’est pas la première fois. Avant, il râlait un peu, mais sans exagération. Désormais, on a l’impression que ça fait partie du show. Et ça le dessert. Et c’est la même chose avec ses partenaires : quand il ne reçoit pas le ballon, cette façon de montrer ostensiblement, aux yeux de tous, par des grands gestes « regardez, il ne m’a pas donné le ballon », c’est insupportable. Ce n’est pas anodin si Florenzi l’a repris plusieurs fois lors des deux derniers matchs. Ça commence à en agacer certains. Dans un groupe, c’est une attitude qui devient vite problématique.

Kylian Mbappé ne doit pas se demander comment vendre son image, gagner son duel avec Neymar, mais plutôt se demander comment être plus efficace, quels sont ses points forts sur lesquels s’appuyer, et quels sont les points faibles qu’il peut améliorer. Même si c’était l’extrême inverse, Thierry Henry est un bon exemple. L’ancien joueur d’Arsenal, quand on lui demandait pourquoi il ne souriait presque jamais après un but, répondait : « parce que je pense à ceux que j’ai raté avant et donc que je n’ai pas tout réussi ». C’est certes un peu trop, mais cette exigence doit mener Mbappé à devenir encore plus fort. Comme pour Neymar, c’est lui qui décidera la trace laissée dans le football : un phénomène qui aurait dû faire mieux, ou un phénomène qui a marqué le football. À lui de choisir.

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