« L’arrivée de Messi change le rapport de force entre Mbappé et le club » déclare Vincent Chaudel
Après l’arrivée de Neymar Jr et Mbappé en 2017, personne ne s’attendait à revoir un tel mercato de sitôt, et pourtant, Nasser Al-Khelaifi l’a fait, et il s’est même surpassé.
Non content d’avoir recruté quatre joueurs de premier plan, dont un champion d’Europe et un ancien champion du monde, le Paris Saint-Germain est parvenu à attirer celui que beaucoup considèrent comme un des meilleurs joueurs de l’Histoire, Leo Messi. Ainsi, tous les fans Rouge et Bleu se demandent désormais quelles seront les conséquences sur le plan sportif, et surtout, économique, pour le club ?
Afin de mieux comprendre les enjeux liés à l’arrivée de Leo Messi, Vincent Chaudel, expert de l’économie du football et co-fondateur de l’Observatoire du Sport Business, a accepté de répondre aux questions de Paris United.
Messi au PSG, personne n’osait en rêver, mais Nasser Al-Khelaifi l’a fait. En tant que fan de football, ça fait quel effet, d’avoir vu un des plus grands joueurs de l’Histoire être présenté au Parc samedi dernier ?
Il y a un côté surréaliste. L’impression que j’ai eue, c’était qu’il y avait une effervescence, exactement la même que lors de l’arrivée de Neymar et d’Ibrahimovic. On a tendance à dire que la France n’est pas un pays de supporters, ce qui n’est pas totalement faux, mais avec ces joueurs hors normes on a une effervescence que l’on pourrait presque comparer à ce qui passe dans d’autres pays, tels que l’Espagne ou l’Italie. Il y avait vraiment une belle ambiance, et cela coïncidait avec le retour du public au stade.
D’ailleurs, si l’Argentin est arrivé gratuitement, on parle tout de même d’une prime à la signature et d’un salaire conséquent, du coup est-ce vraiment une si bonne opération d’un point de vue économique ?
Oui, car rien que pour l’absence d’indemnités de transfert, quand bien même il y aurait une prime à la signature (estimée à 25-30 millions d’euros) ou de nombreux bonus, comme l’affirment certaines sources, l’opération est très rentable si l’on prend en compte la valeur de l’Argentin (80-90 millions d’euros). C’est aussi le genre de joueur qui rapporte au niveau du merchandising, qui permet de booster les négociations commerciales, qui attire le public et puis, si le PSG gagne le C1, ça aura permis de gagner 30-40 millions d’euros de plus que l’année dernière. Ce sera une opération au pire équilibrée, au mieux gagnante.
Cela représente également le changement de dimension du club, le PSG n’est plus un challenger mais un favori dans le cadre de la course à la Champion’s League. Avec Neymar, on entrait dans le top 10, avec Messi, on s’installe dans le top 5.
Des datas pour comprendre cet effet #Messi au #PSG et tout l'engouement suscité en et hors de France.@francebleusport @bruno_salomon #PSGxMESSI #PSGToken
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Si le PSG a réalisé plusieurs coups de maitre cet été, en attirant gratuitement 4 joueurs de premier plan, la masse salariale risque de s’envoler. Cela pourrait-il mettre le club de la capitale en difficulté, si jamais il ne parvenait pas à vendre avant le 31 août ?
Le mieux serait de réussir à vendre évidemment. Le PSG n’est pas le club ayant le plus dépensé durant ces dernières années, il n’a par contre pas tellement vendu et il faudrait y remédier, même si le fairplay financier s’est assoupli et devrait changer de mode de calcul, même si Messi devrait permettre au club de développer ses recettes.
Il n’y a pas de danger immédiat d’un point de vue DNCG (Le PSG dispose bel et bien d’un actionnaire capable de rembourser une dette éventuelle, à savoir QSI), et point de vue fairplay financier, on est encore dans la période COVID et de nouvelles règles sont en cours d’élaboration. Il faudrait donc rééquilibrer les comptes : soit vendre, soit développer les recettes, voire les deux à la fois.
La seule vente de Mbappé pourrait-elle résoudre le problème ?
À coup sûr, car il est évalué à environ 150 millions d’euros, et son salaire représente les 2/3 de celui de Messi. Son départ compenserait l’arrivée de l’Argentin, mais la volonté du club est de le conserver, pas à n’importe quel prix toutefois. L’arrivée de Messi change le rapport de force entre Mbappé et le club, le PSG a une alternative sportive performante pour les 2-3 prochaines années, mais si jamais Mbappé reste, le PSG aura une force de frappe jamais égalée.
À l’image du Barça qui serait bien plus qu’un club (« Més que un club »), Messi est bien plus qu’un joueur. Quel impact cela peut-il avoir, concernant la visibilité du club à l’international ?
C’est colossal, en un mois de temps, le PSG a déjà gagné plus de 10 millions followers, et il a passé la barre des 100 millions tous réseaux sociaux confondus. Cela va l’aider à renforcer sa position en Amérique latine, mais surtout en Asie, qui est désormais l’enjeu majeur.
Côté droits TV à l’international, on le sait, la Ligue 1 a, jusqu’à présent, toujours été à la traine, par rapport à ses concurrents du Big Five. Désormais, avec le PSG qui affiche, au moins sur le papier, un des meilleurs effectifs au monde, et ses concurrents qui ont su se renforcer intelligemment cet été, peut-on s’attendre à une bonne surprise lors des prochaines négociations ?
Oui, l’effet Messi fera parler de la Ligue 1 partout dans le monde. La Ligue 1 est 12 fois moins valorisée que la Liga actuellement. D’ici la fin du contrat de Messi, on peut espérer une vraie augmentation de la valeur du championnat. La Liga encaissait 895 millions d’euros lorsque Ronaldo, Messi et Neymar y évoluaient. Côté championnat de France, on a désormais Messi, Neymar et Mbapppé, on vaut peut-être pas 895 millions, mais bien plus que les 75 millions actuels.
Ce qui est intéressant, c’est qu’on a des stars mondiales au PSG, mais on a aussi des équipes comme Monaco et Marseille qui se sont remises dans l’axe. Nice, avec Ineos, a les moyens de ses ambitions et Galtier commence bien. Lille ? on verra ce que ça donnera à la fin du mercato, Lyon devrait avoir un effectif intéressant, et Rennes travaille mieux.
Paradoxalement, le moment ou le championnat a le meilleur niveau, est également celui où il est le moins valorisé. Il devrait donc progresser a niveau international.
On souvient d’ailleurs que suite à l’arrivée de Neymar Jr, le montant versé par Nike au PSG avait quasiment été multiplié par trois (25 à 80). Doit-on s’attendre à quelque chose de similaire de la part de l’ensemble des sponsors, suite à l’arrivée de Messi, même si l’on sait qu’il ne restera que deux, voire trois ans ?
On peut penser qu’il y aura un effet Messi sur les nouveaux sponsors. Sur les contrats actuels ce sera compliqué, il s’agit de contrats importants (Nike, Accor), qui ne sont pas arrivés à termes. Messi est sponsorisé par Adidas, rappelons-le, et Accor, groupe hôtelier, est frappé par l’effet COVID, donc aucun des deux ne fera d’effort important.
Toutefois, il y aura quand même un effet Messi sur le contrat Nike car il y a une partie des royalties liée à la revente de maillots, il y aura également un effet Messi sur d’autres contrats, un sponsor sud-américain qui arrive bientôt notamment, mais surtout, il y aura une monétisation du digital, on parle beaucoup des tokens qui vont être un des axes de rémunération de Messi, et donc le pousser à soigner sa communication.
Si jamais l’opération échouait sur le plan sportif, un peu comme ce qui s’est passé avec Buffon et Dani Alves, quelle image du club cela renverrait-il ? Le PSG ne risque-t-il pas de faire un bond un arrière et de passer, encore une fois, pour le club qui surpaye des stars en fin de carrière ?
Il faut savoir ce que l’on appel échouer sportivement, mais avoir une telle équipe et ne pas gagner la Ligue 1 ou ne pas atteindre les demi-finales de la Champion’s League serait un échec et un retour en arrière. Le risque existe, mais il est faible. Au-delà de l’arrivée de Messi, le club s’est renforcé sur toutes les lignes : les latéraux étaient un point faible, et il y a l’arrivée d’Hakimi ainsi que le retour de Bernat. Au milieu, Wijnaldum ne fera pas de mal et derrière, il y a Ramos. L’année dernière la faiblesse du banc a handicapé le club, ce ne sera pas le cas cette année.
Avec un tel effectif, on peut penser que la capacité d’accueil du Parc des Princes (environ 47 000 places) n’est plus suffisante, et Nasser Al-Khelaifi a d’ailleurs fait part de son souhait d’agrandir le stade, ou de déménager. Quelles seraient les options les plus plausibles, et surtout, les plus intéressantes ?
Le constat est juste, d’ailleurs depuis quelques années, au sein de l’Observatoire du Sport Business, on pointe du doigt le fait que la capacité du Parc soit un facteur limitant. On a aucun club du Top 10 ayant un stade avec moins de 50 000 places, à part la Juventus, mais Turin est une petite ville, c’est donc un cas à part. Les autres clubs ayant de grandes ambitions ont au généralement entre 60 000 et 95 000 places dans leur stade.
De plus, le PSG aurait intérêt à rester dans la zone du Parc et non pas aller au stade de France, ou alors uniquement durant la durée des travaux. La question est de savoir s’il est possible d’agrandir le Parc malgré son emplacement actuel (juste au-dessus du périphérique). S’il est techniquement possible d’ajouter un étage, cela règlerait le problème. Mais qui le ferait, et quand ? Le Parc est la propriété de la ville de Paris et non du club. De plus, celui-ci servira lors des Jeux Olympiques de Paris 2024, et il est peu probable que les travaux soient finis d’ici là, même si ils commencent dès la rentrée.
Canal + et QSI ont également déjà refusé un déménagement définitif au Stade de France. L’État verse de l’argent au consortium du stade, et avait donc tout intérêt a ce que le PSG y déménage, mais des études ont démontré que le public Rouge et Bleu est mieux au Parc.
Étant donné la durée de construction d’un stade, si jamais un tel projet voyait le jour dès la rentrée, il y a fort à parier que l’effectif ne serait plus du tout le même une fois les travaux terminés, Messi et Neymar Jr notamment, seraient très probablement partis d’ici-là. Doit-on y voir une preuve supplémentaire qu’aux yeux des Qataris, le développement du PSG est un projet sur le long terme ?
Oui. Déjà, le projet et l’investissement de Poissy (livré en 2023 si tout va bien) montre que QSI est là pour construire, s’inscrire dans la durée. Un projet de stade s’inscrit également sur le moyen-long terme, donc pour ceux qui avaient encore un doute, le projet du Qatar au PSG ira bien au-delà de la coupe du monde 2022.
Un dernier mot pour la fin ?
On espère pour le football français que ce sera la bonne année. Tous les voyants sont au vert, il ne reste plus qu’à confirmer, et ce sera la vérité du terrain.
Paris United remercie Vincent Chaudel d’avoir accepté de répondre à nos questions.
Entretien réalisé par Mathieu Sauvajot.