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PSG / Manchester City : une rencontre choc qui peut en cacher une autre

Pour les demi-finales de la Champions League édition 2020/2021, le PSG retrouvera Manchester City. Si le match s’annonce intéressante sur le terrain, il le sera sans doute tout autant en dehors. Vincent Chaudel, expert de l’économie du football et co-fondateur de l’Observatoire du Sport Business, a accepté de répondre aux questions de Paris United afin de nous aider à comprendre ce qui se cache derrière une telle rencontre.


PSG / Manchester City, c’est à la fois une rencontre très rare et très attendue, la dernière fois que les deux équipes se sont croisées, c’était en 2016 lors des ¼ de la Champions League. Le club britannique s’était alors qualifié et Laurent Blanc avait été limogé.
Cinq ans plus tard, les deux clubs se retrouvent enfin et il y aura probablement un sentiment de revanche dans l’air, mais si l’on se base aux données collectées par l’Observatoire du sport business, le public devrait assister à une rencontre équilibrée, qu’en pensez-vous ?

Sportivement oui, on a probablement deux des meilleures équipes en termes de talent. Si on regarde les transferts opérés, depuis 10 ans Manchester City a investi 1 milliard et le PSG près de 900 millions d’euros, on a donc un niveau de talent lié à cet investissement.

De plus, quand on compare la valeur des effectifs sur le papier, on comprend qu’il s’agit de candidats au titre. C’est également le cas des deux autres équipes, le Real Madrid et Chelsea, mais il faut dire qu’une fois en demi-finales, on a généralement que des favoris.

Même constat si l’on regarde l’indice UEFA, le 5ème (Manchester City) et le 7ème (PSG) s’affrontent. Le PSG est certes le dernier finaliste, mais il s’est fait éliminer dès les huitièmes de finale lors des éditions précédentes. Manchester City n’est jamais arrivé en finale, mais est bien plus régulier, d’où l’indice UEFA supérieur.

La rencontre s’annonce donc serrée, peu importe les critères pris en compte pour comparer les deux clubs.

D’ailleurs, si l’on compare la valeur des deux clubs ainsi que de leurs effectifs, on constate que Manchester City pèse plus lourd sans pour autant être parvenu à se hisser en finale jusqu’à présent. C’est un peu paradoxal non ? D’autant plus que beaucoup considèrent que le PSG est freiné par le manque de compétitivité de la Ligue 1 par rapport aux autres championnats, tels que la Premier League. Comment peut-on l’expliquer ?

En compétition, la vérité est toujours au milieu. Déjà, on constate que cette année, la plupart des clubs ayant participé au Final 8 l’année dernière ont été moins favoris que d’habitude, c’est notamment le cas du PSG, car il a été impacté par un manque de préparation physique, par des blessures, des cas de covid et des suspensions…

Le PSG manque effectivement de concurrent à niveau national, mais à l’inverse il y en a peut-être trop en Angleterre. Un club comme Liverpool ne sera peut-être pas en Champions League l’année prochaine, car il y a West Ham et Leicester. En Premier League, il y a 4 places qualificatives pour l’Europe alors qu’il y a 8-10 gros clubs pouvant y prétendre, chaque journée ou presque est un choc, ça oblige donc à être constamment à haut niveau mais ça use aussi.

On l’a vu lors des deux dernières saisons, il y a eu un sprint Manchester City / Liverpool pour être champion de Premier League. Les deux équipes y ont laissé beaucoup d’énergie, peut-être trop, ce qui peut expliquer leur élimination précoce.

Pour le fan anglais, la Premier League a plus d’importance que la Champions League, car il y a beaucoup plus de rivalité, beaucoup plus de derbies et de clasicos, les clubs anglais se sont construits autour de ça. Si l’on prend Londres pour exemple, il y a 10 clubs professionnels, la rivalité est donc exacerbée, les londoniens croisent nécessairement des supporters des autres clubs, gagner est alors primordial. En France, ce n’est pas le cas, il y a peu de derbies et ils ne sont pas comparables.

A l’inverse, le projet du PSG repose sur son succès en Europe, s’il va en finale mais perd le titre de champion de France au profit de Lille, les supporters parisiens n’en tiendront sans doute pas trop rigueur aux Rouges et Bleu.

Il faut donc un bon point d’équilibre entre trop, et trop peu de concurrence, comme en Espagne où il y a quatre grands clubs pour quatre places qualificatives.

On peut également réaliser un constat similaire sur les réseaux sociaux : Paris est devant Manchester City, ce qui est étonnant quand on sait que généralement, les clubs de Premier League sont beaucoup plus populaires. Quelles sont les raisons ?

Il y a deux raisons.

Premièrement, Manchester City s’est développé tardivement sur les réseaux sociaux car ils n’étaient pas performants. A l’arrivée des réseaux sociaux, dans les années 2000, les mancuniens jouaient le maintien alors que leur rival, Manchester United, jouait la Champions League. De plus, le sacre de Manchester City est récent, cela ne fait que quelques années qu’ils parviennent systématiquement à accrocher le haut du classement.

A l’inverse, les clubs les plus populaires sur les réseaux sociaux, sont ceux qui étaient déjà performants à l’époque.

La deuxième raison se situe du côté de l’effectif. Manchester City a une très bonne équipe, mais n’a pas de superstar mondiale. Agüero et De Bruyne ne sont pas comparables à Neymar Jr ou Mbappé en termes de renommée, ils n’ont pas 100-150 millions de followers sur les réseaux sociaux, aussi bon soient-ils, d’où l’importance pour un club de compter de tels joueurs dans ses rangs.

Concernant leur image, à l’origine beaucoup d’observateurs voyaient dans Paris et Manchester City deux « nouveaux riches », qui n’avaient pas d’histoire, et ne parvenaient pas à les considérer comme des grands d’Europe. Dix ans plus tard, est-ce que la donne a changé?

Le PSG est handicapé au niveau de son histoire car très jeune. Il est un candidat à la Champions League chaque année, et le Final 8 lui a permis d’acquérir une respectabilité. Nasser l’a d’ailleurs fait comprendre mardi dernier lors de la qualification face au Bayern Munich. Le PSG n’est plus seulement un club qui paye bien, il est un champion potentiel. Ce n’est pas le seul club passé par là, Chelsea aussi a dû le faire. A l’époque, on parlait d’un Chelsea Price, pour attirer des stars, il fallait les surpayer, mais désormais ce n’est plus le cas. Paris l’a fait avec Ibrahimovic et Thiago Silva, mais dorénavant l’image du club se suffit à elle-même, on peut dire que le PSG est entré dans une deuxième phase, dans laquelle il est de remporter des trophées européens, la Champions League pour être exact.

Paris contre Manchester City : la rencontre s’annonce intéressante sur le plan sportif mais également géopolitique, si on y réfléchi bien, il y aura une forme de derby entre Abu Dabi et Doha. Quelles sont les relations de ces deux pays, et quel impact la rencontre peut-elle avoir ?

On peut parler d’un derby régional délocalisé : le Golfico. Il y a une compétition entre les EAU et le Qatar, mais ce n’est pas la même chose qu’avec l’Arabie Saoudite par exemple. Il n’y a pas de tensions, mais de la compétition. Ce sera plus qu’un simple match pour les propriétaires bien entendu, mais la concurrence est saine.

Dans un autre domaine, c’est comme comparer la France et l’Allemagne sur le plan commercial, il y a de la concurrence, mais pas d’animosité.

Deux clubs dont les propriétaires se situent dans le golfe arabo-persique, cela signifie-t-il que le pari est réussi ? Cette région du monde est-elle finalement parvenue à exister dans le monde du football ?

Ils ne pouvaient pas exister grâce à leurs équipes nationales. Bien sûr, un talent peut naître n’importe où dans le monde, mais il y a moins de chance dans des pays peu peuplés. L’Arabie Saoudite y parvient davantage, ils sont plus peuplés, ont donc potentiellement plus de « talents » et parviennent à s’imposer plus facilement dans leur région.

A l’inverse, les EAU et le Qatar ont beaucoup d’argent, il est donc bien plus facile d’acheter des clubs.

Ils auraient pu tenter de créer quelque chose dans leur région, mais dans le monde du football, l’Europe reste une référence, les joueurs, peu importe d’où ils viennent, rêvent de s’y imposer.

 

Paris United remercie Vincent Chaudel d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Entretien réalisé par Mathieu Sauvajot.

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