Champions League édition 2020/2021 : la belle opération financière des parisiens
Mardi 4 mai, le PSG s’est fait éliminer par Manchester City lors des ½ finales de la Champions League. Si les supporters peuvent être déçus sur le plan sportif, le club peut, de son côté, se réjouir sur le plan financier comme nous l’explique Wulfran Duvauchelle, co-fondateur de l’Observatoire du Sport Business.
Les parisiens ont atteint pour la deuxième année consécutive le dernier carré en Champions League. L’objectif sportif n’est pas tout à fait rempli même si on s’en rapproche, mais que penser de l’aspect financier ? Ces deux dernières campagnes ont elles rapporté beaucoup plus que les précédentes ?
Oui, cette année le PSG va gagner environ 112 millions d’euros et l’an dernier, il s’agit de l’équipe ayant gagné le plus d’argent via les primes UEFA, à savoir 126,8 millions d’euros.
Cette année, le PSG sera encore dans le top 4 en termes de primes perçu. Il y a un cap assez important par rapport aux précédentes éditions, lorsque le club atteignait les quarts de finale, il percevait environ 70-80 millions d’euros (85,8 M€ en 2018/2019), mais l’écart si important s’explique également pour deux autres raisons :
Le système de redistribution des primes a évolué depuis 2018, tout comme le montant des enveloppes versées. C’est donc mathématique, même avec des performances équivalentes, le PSG aurait gagné plus d’argent.
D’ailleurs, quand on observe l’infographie réalisée par l’Observatoire du sport business, on constate que plusieurs facteurs entrent en jeu lorsqu’il s’agit de déterminer le montant perçu par un club participant à la Champions League. Concrètement, quels sont-ils ?
Les revenus obtenus grâce à la Champions League sont répartis selon quatre critères :
-25% alloués aux primes de participation (qui récompense la présence en phase de poules des 32 équipes et qui verse une prime identique à toutes ces équipes) ;
-30% dépendent de la performance sportive (nombre de victoires, et de matchs nuls en phase groupes + primes de qualification en 1/8, ¼, ½ et finale) ;
-30% distribuées selon le coefficient UEFA des clubs sur 10 ans ;
-15% selon la valeur de chaque marché audiovisuel. Ce dernier critère est notamment impacté par le montant des droits audiovisuels pour retransmettre la C1 dans chaque pays engagé dans les phases finales, par le classement final de chaque club dans son championnat national la saison précédente et par le nombre de clubs d’un même pays participant à cette compétition. Plus il y a de clubs d’un même pays, plus l’enveloppe est partagée.
Les clubs français sont d’ailleurs avantagés par ce système : l’enveloppe est répartie entre 3 équipes et non 4, comme c’est le cas en Premier League ou Liga.
Lors de l’édition précédente, les matchs ont eu lieu à huis-clos à partir des 1/8èmes de finale, et cette année, c’est l’ensemble de la compétition. Il y a forcément un manque à gagner important côté UEFA, cela s’est-il fait ressentir sur le montant perçu par les clubs ?
Il y a effectivement eu un manque à gagner, mais il semble que l’UEFA ait trouvé la bonne formule afin de limiter les répercussions de ces pertes sur les équipes engagées. L’an dernier, elle a perdu environ 486 millions d’euros à cause du Covid : moins de matchs avec le final 8, et donc un rabais auprès des diffuseurs et divers partenaires commerciaux, ceux-ci ayant moins de recettes car moins visibles.
Comment faire pour compenser sans trop affecter les clubs engagés durant les éditions concernées ? En répercutant cette baisse sur plusieurs années : il y aura une décote du montant redistribué sur au moins 4 ans, de l’ordre de 3%. A terme, cela permettra de compenser les pertes sans trop impacter les clubs.
Concrètement, le PSG a perdu 3-4 millions d’euros sur sa dotation au lieu de 15-20.
L’interrogation concerne également le PSG qui, à l’image des autres clubs, joue à huis-clos depuis plus d’un an. On sait que les revenus liés à la billetterie représentent une part très importante de son budget. Ainsi, ces primes perçues en Champions League, plus importantes que celles des années précédentes, permettront-elles de compenser les pertes ?
Non, les sommes gagnées par rapport aux années précédentes ne sont, et ne pourront jamais être suffisamment importantes. Aujourd’hui, peu importe quel club gagne la Champions League : même en remportant tous ses matchs, impossible d’avoir plus de 150 millions d’euros.
En l’occurrence le PSG va gagner 112 millions d’euros, soit 20% de leur chiffre d’affaires (hors mutations, c’est-à-dire hors vente de joueurs). C’est moins que l’an dernier mais plus que 2017/2018 comme évoqué précédemment.
Or, de son côté la billetterie rapporte en temps normal environ 100 M€ de recettes au club, recettes qui ne seront pas présentes cette année par rapport aux années précédentes, sans parler de l’impact de la crise sur le secteur commercial. Encore une fois, c’est mathématique : les recettes issues de la Champions League qui génèrent bien plus pour le club qu’il y a quelques années ne peuvent rattraper les 100 millions de perdues sur la billetterie.
Le fait que le PSG aille si loin a-t-il un impact sur les primes obtenues par les autres clubs ? Si oui lequel ?
Plus le PSG va loin en Champions League, plus il y a un impact négatif sur les revenus touchés par les autres clubs français, Rennes et l’OM en l’occurrence, car ils perçoivent moins de parts de marché. Les sommes perdues ne sont pas énormes, elles sont de l’ordre de 1 à 2 millions d’euros pour chacun de ces clubs, mais ironiquement, le succès du PSG sur la scène européenne combiné à l’échec de ses deux concurrents nationaux leur fait perdre quelques recettes.
Néanmoins, indirectement, c’est le football français et les autres clubs de Ligue 1 qui risquent beaucoup plus gros si jamais le PSG réalise un mauvais parcours : l’indice UEFA, et par extension, le fait que la Ligue 1 bénéficie de 3 places qualificatives en dépend.
Au final, si le PSG est un moteur pour la Ligue 1 aussi bien sur le plan sportif que médiatique, peut-on affirmer que c’est également le cas financièrement parlant, grâce à ses performances européennes ?
D’un point de vue général, le fait que le PSG compte des stars internationales dans son effectif permet à la Ligue 1 de mieux vendre ses droits tv, et plus cher, aussi bien en France qu’à l’international (même si en la matière, la Ligue 1 a de gros progrès à faire). En résumé, indirectement, tout le monde bénéficie du succès du PSG, et ce n’est pas un cas isolé : les locomotives que sont le Real ou le Barça en Espagne ou la Juventus, le Milan et l’Inter en Italie tirent leur championnat vers le haut et valorise financièrement le produit.
Ainsi, sans un PSG fort, aussi bien sur la scène nationale qu’européenne, la Ligue 1 est perdante d’un point de vue médiatique et financier, rien que par rapport à la renégociation des droits tv.
Paris United remercie Wulfran Duvauchelle d’avoir accepté de répondre à nos questions.
Entretien réalisé par Mathieu Sauvajot.