Le droit de se taire
Depuis plusieurs matchs, les Ultras parisiens ont choisi le silence pour exprimer leurs griefs après une saison très décevante. Un choix qui ne fait pas l’unanimité mais qui en dit long sur les sentiments diffusés par la formation de Mauricio Pochettino.
Il n’existe pas encore de livre référence sur la manière de devenir un bon petit supporter. Ni d’exemplaire des « Ultras pour les Nuls » afin de comprendre ce qui est autorisé ou non dans une tribune. Mais tout cela n’empêche pas chaque amoureux du PSG (et pas seulement du PSG d’ailleurs) d’avoir un avis très tranché sur la position du Collectif Ultras Paris depuis quelques semaines.
Les sifflets post-Madrid avaient choqué le monde du football, incrédule devant le traitement réservé à des stars planétaires. Et voilà que le silence imposé par les membres du CUP résonne encore plus fort dans le tourbillon de critiques et de moqueries qui s’est abattu sur Paris. Les Ultras ? Des enfants gâtés, des capricieux, des ennemis du club qui ont gâché la soirée face au rival marseillais.
Il n’est pas question ici de donner des leçons de supporterisme. Encore moins de distribuer les bons points en fonction des sensibilités. Après tout, chacun est libre de vivre sa passion comme il l’entend. Et même si je ne partage pas l’avis de beaucoup sur le mouvement actuel du CUP, je peux comprendre ce désir de tourner la page et de retrouver au plus vite un Parc des Princes vivant et festif. Le souci, c’est que le cœur de l’enceinte parisienne est à l’arrêt depuis la défaite à Madrid.
Les têtes sont à l’envers, à l’image de la banderole des Ultras parisiens depuis plusieurs matchs, et les griefs contre la direction et les joueurs vont bien au-delà d’une simple élimination. Ce PSG souffre d’un mal profond depuis quelques saisons. Entre crise de croissance inévitable, choix marketing douteux et politique sportive trompeuse, le projet QSI diffuse un sentiment désagréable que deux bons parcours en Ligue des champions ne sauraient masquer.
Nier ces problèmes serait hypocrite. Les accepter sans broncher également. Et parce que le silence est l’expression la plus parfaite du mépris, beaucoup de supporters se muent dans le silence. Encore une fois, il ne s’agit pas de bouder car le PSG n’a pas su se qualifier contre le Real. Les revendications sont au contraire bien ciblées : un projet de jeu cohérent, une politique de stars moins caricaturale, une direction beaucoup plus présente et des joueurs qui ne remporteraient pas chaque saison le titre d’équipe qui a le moins couru.
À écouter Marquinhos au coup de sifflet final d’un PSG-OM pourtant pathétique, le virage parisien aurait dû ignorer sa frustration. Le moment n’était pas à la révolte silencieuse mais aux encouragements hypocrites. Pour d’autres, il faudrait presque s’excuser d’avoir donné une mauvaise image aux touristes de passage au Parc des Princes. Il faut quand même une sacrée dose d’amour-propre pour dédaigner ainsi le mépris d’autrui.
La ferveur d’un virage n’est pas négociable. Elle se mérite et s’entretient. Sans ses ultras, l’enceinte du PSG pourrait vite devenir un parc d’attraction pour chinois et argentins de passage dans la Capitale. L’Angleterre a connu pareille extinction de ses stades les plus chauds. Paris est à son tour menacé. Antoine De Saint-Exupéry a écrit que l’amour ne consistait pas à se regarder l’un l’autre mais à regarder ensemble dans la même direction. Le PSG et ses supporters savent donc ce qu’il leur reste à faire.
Un édito de Nicolas Puiravau