Source : Eurosport
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Les limites des statistiques

Les statistiques sont devenues le nouveau jouet des analystes du football. Oui, certaines sont nécessaires, quand elles sont bien utilisées, mais le football n’est pas qu’une histoire de chiffres.

À chaque match ses stats. Les kilomètres parcourus, les passes réussies, les expected goals… Tout un tas de chiffres qu’on nous jette au visage pour justifier une prestation. Évidemment, certaines statistiques sont utiles, reste encore à bien les lire, à les resituer dans un contexte, dans une idée de jeu.

J’en avais déjà fait un papier en 2015, et Xavi en a reparlé récemment. Dans sa déclaration, l’espagnol explique très bien pourquoi les stats ne sont pas toutes utilisables mais surtout qu’elles n’ont pas toutes une vraie signification. Mais penchons-nous sur le taux de réussite des passes.

À la fin de la rencontre, pour expliquer la prestation d’un joueur, on nous balance, par exemple : 83 ballons touchés, 17 ballons perdus, 89% de passes réussies. Il fait expliquer qu’on peut réussir 89% de passes en ayant perdu 17 ballons parce que ce chiffre correspond au pourcentage de passes réussies sur le nombre de passes tentées. Mais ce n’est pas le plus important.

La vraie analyse est de se demander où ont été réalisées ses passes, dans quelle zone du terrain, dans quel sens (vers l’avant, vers l’arrière, latéral), à quelle distance et ce qu’elles ont créé. Un joueur qui fait 80% de ses passes à son défenseur central, oui, il n’aura pas perdu de ballons, mais qu’aura-t-il apporté à son équipe ?

Dans son interview, Xavi parle du joueur à qui vous avez fait la passe en expliquant que faire une passe à un joueur démarqué, ce n’est pas faire une passe à un joueur entouré par quatre adversaires. Pourtant, votre passe sera comptabilisée comme réussie. Illogique.

Mais le football, c’est aussi autre chose. Est-ce qu’un joueur qui rate 30% de ses passes a fait un mauvais match ? À priori oui, mais en réalité pas forcément.

Imaginons un joueur qui tente une passe vers l’avant et qu’elle est interceptée. À première vue, c’est une mauvaise passe. Sauf qu’on peut voir les choses autrement. Premièrement, en réalisant cette passe vers l’avant, il a pris un risque, et dans le football, la prise de risque est très importante. Ensuite, cette passe, même interceptée, a fait gagner du terrain à son équipe. Mais il y a plus important.

Des éléments importants mais non quantifiables

En tentant cette passe, le joueur a créé un doute, une tension chez l’adversaire. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il oblige l’adversaire à être extrêmement concentré, à ne pas se relâcher, et ça, c’est usant. Il a également instauré un doute.

Quand un joueur ne prend aucun risque, qu’il joue vers l’arrière pour ne pas perdre le ballon, il permet à l’équipe adverse de se remettre en place, voire de faire avancer son bloc, mais surtout il ne les fait pas douter. Au contraire, quand il tente cette passe, il oblige l’adversaire à sortir sur lui sous peine d’être puni, ou alors de reculer pour ne pas être dépassé. Dans le premier cas, la sortie d’un joueur pour le cadrer va créer des décalages ailleurs et donc le démarquage d’un joueur. Dans le second cas, il permet à son équipe de gagner du terrain. Dans les deux cas, même avec une passe ratée, l’impact pour le futur du match est positif.

Pour les amoureux du PSG, on peut citer plusieurs joueurs dont les statistiques ne reflètent pas leur apport. Verratti, à qui on reproche le manque de passes décisives et de buts. Sauf qu’il y a un PSG avec l’italien et un PSG sans. Pastore pourrait s’inscrire dans cette liste. Oui, l’argentin perdait beaucoup de ballons, mais il tentait toujours des passes compliquées, pour faire mal et quand il était dans un bon état physique, son apport était très important, mais non quantifiable en chiffre, surtout qu’il était souvent à l’avant-dernière passe, celle qui n’existe dans aucune statistique.

On pourrait parler aussi du tir à mi-distance. Un tir à mi-distance, oui, il sert à marquer. Mais il sert aussi à faire sortir une équipe en bloc bas en instaurant un doute sur le fait de sortir pour empêcher le tir ou rester derrière mais en offrant une solution de tir. On peut parler du dribble, de la percussion. Quand Coman, en finale de la Ligue des champions, perd de nombreux ballons parce qu’il va percuter Kehrer, statistiquement, son match est raté. En revanche, il oblige Kherer et le PSG à reculer sans cesse, mais aussi à son adversaire direct à ne pas participer au jeu offensif sous peine d’être puni par la percussion de son adversaire. Et ce n’est pas anodin si Coman a été titularisé alors que Perisic avait joué la majorité des matchs, le français étant régulièrement blessé.

Tous ces éléments dernièrement cités, ne sont pas quantifiables dans les statistiques. Pourtant, ils ont encore plus d’importance que le simple chiffre des passes réussies ou des ballons touchés. Le football, ce n’est pas qu’une question de chiffres, c’est aussi une question de sensibilité.

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