Thomas Tuchel: Un bilan contrasté
Alors qu’on pensait qu’il irait finalement au bout de la saison, Thomas Tuchel a été remercié hier soir pas le Paris Saint-Germain. Une issue presque inéluctable mais qui laissera un goût d’inachevé.
Quelle trace aura laissé Thomas Tuchel de son aventure au PSG ? Les entraineurs ne sont que de passage, c’est la vie du football. Quand ils quittent un club, on retient le palmarès, l’héritage laissé, mais aussi les émotions.
Quand l’allemand arrive dans la capitale, l’optimisme est présent. Le jeu de Dortmund fait d’intensité, de collectif, est ce qui fait espérer les supporters parisiens. D’ailleurs, les sept premiers mois se déroulent presque parfaitement. Certes, le PSG est tout près de quitter la Ligue des champions dès la phase de poule, mais Di Maria va égaliser dans les toutes dernières minutes de la rencontre aller face à Naples (2-2) et permettre au club de s’accrocher pour aller chercher sa qualification.
À ce moment-là, Thomas Tuchel est un entraîneur. Il cherche, il innove, il utilise différents systèmes, et ça fonctionne. Beaucoup d’observateurs qui ont connu l’allemand à Dortmund, sont mêmes étonnés par son comportement. Il câline les joueurs, il est souriant et parle football en conférence de presse, tout va bien.
Un tournant face à Manchester en 2019
Paris va alors perdre Neymar sur blessure pour la deuxième fois en deux ans au moment des huitièmes de finale de la C1. Mais là encore, pas de problème, le PSG va aller s’imposer à Manchester 0-2 en réalisant un excellent match tant dans l’état d’esprit que dans la cohérence tactique. Mais voilà, la catastrophe va arriver.
Lors du match retour, alors que United est privé de nombreux joueurs, Kehrer va leur permettre d’y croire dès la première minute en offrant l’ouverture du score aux anglais. Paris va égaliser mais Buffon va se trouer et permettre aux joueurs de Solskjaer de mener 1-2 à la pause.
La tension est énorme et Mbappé va manquer l’occasion de doucher les espoirs mancuniens en ne réussissant pas à aller au bout de deux contres. Dans les dernières minutes, une frappe est contrée par Kimpembe. Le jeu s’arrête, l’arbitre est appelé pour aller vérifier l’action grâce à la VAR. Coup de théâtre, l’arbitre désigne le penalty suite à une main du parisien. Rashford transforme et élimine le PSG.
Il va alors tout être reproché à Tuchel. Le fait de ne pas avoir organisé de mise au vert, d’avoir donné rendez-vous aux joueurs directement au Parc des Princes deux heures avant la rencontre, d’avoir sous-estimé Manchester. C’est le tournant.
La fin de saison tourne au fiasco. Paris va perdre plusieurs rencontres de Ligue 1, dont une grosse gifle à Lille, 5-1. Heureusement qu’il possédait un gros matelas de points d’avance en tête du championnat. Avec ça, il va être éliminé en demi-finale de la coupe de la Ligue par Guingamp et perdre la finale de la coupe de France face à Rennes, aux tirs aux buts.
Une saison 2019 – 2020 en trompe l’œil
Paris reprend la saison suivante en 4-3-3 mais avec Marquinhos au milieu de terrain. L’équipe connait des hauts et des bas, mais fait le travail en championnat, en plus de terminer première de sa poule devant le Real Madrid.
À Bernabeu, l’équipe se fait trimballer jusqu’à être menée 2-0. Mais dans le dernier quart d’heure, les parisiens vont revenir au score et obtenir un match nul plutôt chanceux. Après cela, les cadres vont alors demander au coach d’évoluer avec quatre attaquants. Le deal, c’est de faire les efforts pour continuer avec ce système. Et tout le monde va les faire. Paris régale et fait le spectacle pendant le mois de décembre et janvier.
Mais contre toute attente, en huitième de finale aller de la Ligue des champions à Dortmund, l’entraineur parisien va opter pour un 3-4-3 jamais utilisé jusque-là. Paris s’incline 2-1 mais surtout Paris ne doit sa survie qu’à un éclair de Mbappé et un but de Neymar. Les joueurs sont déboussolés, Icardi et Cavani n’ont pas été utilisés, et Paredes est même hors du groupe alors qu’il avait été très bon pendant plusieurs semaines en 4-4-2. Au retour, Paris s’impose 2-0 en dominant largement les allemands et en jouant en… 4-4-2 avec Cavani et Paredes.
Les matchs vont alors s’arrêter à cause de la crise sanitaire qui frappe la planète entière. Les joueurs et leur coach se retrouvent le 22 juin, soit seulement quatre semaines avant la finale de la coupe de France face à Saint-Etienne. Le staff mise alors sur une préparation basée sur la vitesse et l’explosivité pour être prêt pour le Final 8 de Lisbonne. Le club de la capitale remporte les deux finales de coupe nationales, face à Saint-Etienne 1-0 et Lyon aux tirs aux buts, au terme de deux prestations ternes. Mais ça fait deux titres de plus.
À Lisbonne, le PSG affronte l’Atalanta en quart de finale. Paris a des occasions mais Neymar ne concrétise pas. Et Paris souffre devant l’intensité des italiens. Mbappé, gravement blessé sur un tacle de Perrin en finale de la coupe de France, entre, même si tout le monde sait qu’il n’est pas prêt. Mais ça oblige les italiens à reculer, craignant la vitesse du français. Paris est tout proche de quitter la Ligue de champions. Mais, en trois minutes, le destin du club et de l’entraineur vont basculer. Marquinhos puis l’inattendu Choupo-Moting marquent et qualifient leur équipe. Paris est en demi-finale.
Face à Leipzig, Paris va se balader et s’imposer 3-0 pour se donner le droit de jouer la première finale de Ligue des champions de son histoire face au Bayern Munich. Malgré des occasions nettes en première période, les partenaires de Thiago Silva vont être crucifiés par un but de Coman.
Le temps des polémiques
Vient alors le temps des polémiques. Les vacances qu’il faut donner ou non aux joueurs sont un premier conflit entre Leonardo et Tuchel. Puis ce sera le COVID-19, le calendrier, le mercato. L’entraineur parisien multiplie les sorties où il égratigne le club et le directeur sportif. Ce dernier va d’ailleurs lui répondre sur Canal+. Des discussions par média interposés qui sèment le trouble.
On pousserait un peu plus qu’on imaginerait que l’entraineur allemand n’en peut plus et qu’il cherche à se faire limoger. Pourtant, à partir du match face à Bordeaux (2-2), Tuchel change de ton. Il reparle terrain, répond avec lucidité n’hésitant pas à montrer son mécontentement envers ses joueurs qu’il protégeait jusque-là.
Mais en plus d’avoir déjà perdu face à l’OM et Monaco, le PSG va s’incliner face à l’OL, au Parc des Princes. C’est la goutte d’eau. Plus que la défaite, c’est la prestation des joueurs qui inquiètent. Le tirage au sort qui a désigné le Barça comme futur adversaire des parisiens en Ligue des champions ajoute à la tension. Il faut prendre une décision car il est hors de question d’être sorti par les catalans.
De plus, un évènement est venu se greffer à tous ces problèmes. Lors de la rencontre face à Basaksehir du mardi, celle où le match va être interrompu, d’après le journaliste Romain Molina, Thomas Tuchel va insister pour que les joueurs ne quittent pas la pelouse et que le club de la capitale s’impose sur tapis vert. Déjà qu’il a perdu une partie de son vestiaire en ne donnant de l’importance qu’aux titulaires, cette attitude va lui faire perdre ses derniers soutiens qui ne comprennent pas ce choix.
Voyant que l’entraineur avait de plus en plus de mal à gérer son vestiaire, ils se sont simplement dit que le match face au Barça pouvait tourner au fiasco. Nasser Al-Khelaïfi et Doha tranchent, l’aventure Tuchel est terminée.
En étant remercié, l’ancien entraineur de Dortmund quitte le club en étant en haut, en ayant joué une finale de Ligue des champions, et en pouvant toujours expliquer qu’il avait les moyens d’atteindre tous les objectifs. En résumé, il part sans perdre la face.
Le bilan de Tuchel n’est pas mauvais, loin de là. Mais les résultats ne font pas tout. À Paris, il faut faire de la politique et l’allemand n’en a pas été capable. Les chiffres ne font pas tout. L’allemand est le deuxième entraineur à avoir gagné le plus de matchs (avec 75,6% de victoires, quand Emery est à 76,3%, Blanc à 72,8% et Ancelotti à 63,6%) mais il est aussi l’entraineur qui a le plus perdu sous QSI (15,7% de défaites, Emery 10,5%, Blanc 9,2% et Ancelotti 14,4%).
Tuchel laisse-t-il un héritage en terme de jeu ? Non. A-t-il fait progresser des joueurs ? Non ? A-t-il laissé des matchs marquants comme Emery avec le PSG – Barça 4-0 par exemple ? Non.
Finalement, le plus grand regret, est de n’avoir vu le vrai Tuchel, l’entraineur-tacticien-chercheur, que pendant six mois sur les trente qu’il aura passé à Paris. Et même si on sait toujours ce qu’on quitte mais on ne sait jamais ce qu’on va avoir, ça ne pouvait plus continuer. Tuchel n’est pas le seul responsable, les joueurs le sont, les dirigeants le sont aussi et il bien falloir qu’un jour, tout ce beau monde prenne ses responsabilités. Mais ainsi va la vie du football pour les entraineurs, et l’allemand connaissait les règles.