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Mediapro, le coup de massue au foot français

Le contrat qui liait la Ligue et Mediapro est donc rompu. En dehors du fait que c’était prévisible, ça pose le problème du prochain montant des droits TV pour le football français. En pleine année de crise, tout le monde s’en serait passé.

Après des semaines d’interrogation, de tergiversation, c’est donc fini : dès que la LFP aura trouvé un nouveau diffuseur, Téléfoot, la chaîne créée par Mediapro, s’éteindra définitivement. Il y a de nombreux coupables dans la situation dramatique que vit le football français.

La LFP et les présidents de clubs sont évidemment au premier rang. Alors que Médiapro avait obtenu les droits de diffusion de la Série A, la ligue italienne les avait retoqués faute d’avoir reçu les garanties bancaires suffisantes. Première alerte. Puis, malgré l’euphorie du montant obtenu (plus de 1 Milliard d’euros par saison), les dirigeants français n’ont pas poussé plus loin les demandes garantie financière. Ils ne se sont également pas fait la réflexion que la Ligue 1 valait désormais plus que tous les autres championnats européens. Enfin, ils n’ont pas alerté le diffuseur sur l’incohérence d’offrir une chaine qui ne diffuserait rien d’autre que du football français pour 25€ par mois (même si Téléfoot a ensuite récupéré le partage de la Ligue des champions avec SFR).

Les conséquences risquent d’être terribles

Désormais, la LFP va devoir trouver un diffuseur pour les matchs de la saison en cours. Même si rien n’est encore officiel, on estime que Canal+ devrait se positionner. Mais ce sera à son tarif et on imagine facilement qu’on sera très loin des 880M€ promis par Médiapro.

Pour les clubs français, la gifle est monumentale. Alors que tous avaient jubilé devant le montant obtenu, c’est la douche froide. Parce que certains clubs avaient misé sur le nouveau montant pour se refaire mais aussi parce qu’ils avaient anticipé et donc qu’ils ont déjà dépensé une partie des futurs revenus. Mais ça, ce ne sont que les conséquences à court terme. A plus long terme, c’est tout le château de cartes qui risque de s’effondrer.

Canal+ et Bein, qui se sont rapprochés depuis, sont désormais en position de force pour négocier à leur tarif, mais aussi qu’il n’y a, pour l’instant, plus de concurrence pour eux.

Pourquoi alors poseraient-ils une grosse somme pour diffuser la Ligue 1 ? Le seul argument valable aujourd’hui, c’est que moins ils mettront d’argent, moins les clubs seront compétitifs, ils diffuseraient alors un produit dévalorisé. Mais entre les deux, il y a un juste milieu et Canal+ va profiter, logiquement, de sa position. Pour être concret, le PSG a touché environ 60M€ de droits TV pour la Ligue 1 en 2019-2020. Il devait en toucher environ 80M€ pour la saison 2020 – 2021, mais le montant devrait se retrouver plus des 40M€ désormais. Et ce sera comme ça pour les 20 clubs de l’élite française.

À cette baisse probable des futurs droits, en plus de la crise de revenus due à l’absence de public dans les stades depuis mars 2020, il faut ajouter un élément qui va faire très mal : le Brexit et ses nouvelles règles pour le football anglais.

Alors que les clubs français établissent leur budget en provisionnant des ventes, notamment de leurs jeunes joueurs, l’Angleterre vient d’établir un certain nombre de critères préalables à l’arrivée de joueurs extra-communautaire. Et extra-communautaire aujourd’hui, ça veut dire tous les joueurs hors du Royaume Uni.

La LFP a causé la perte du foot français

Pour signer en Premier League, un joueur devra obtenir un certain nombre de points. Celui-ci est déterminé par le nombre de matchs en Ligue 1, le nombre de sélections, le statut du club et le temps de jeu. Pour faire court, Wesley Fofana, transféré de Saint-Etienne à Leicester, n’aurait pas atteint ce nombre de points et le transfert n’aurait pas pu se faire. Ça donne une idée du nombre de joueurs désormais susceptibles de rejoindre la Premier League dans le futur.

Oui, les clubs français et la Ligue professionnelle ont fait preuve d’arrogance et d’incompétence. Oui, ils se sont laissés endormir par le montant, trop heureux de (normalement) récupérer une somme inespérée. Oui, en snobant le diffuseur historique et fiable, ils se sont tirés une balle dans le pied. Eux qui, sans cesse, répètent qu’il faut plus de moyens pour être compétitif, vont devoir maintenant faire avec encore moins que la somme obtenue en 2017.

Avec la crise, les droits TV, les résultats des clubs français sur la scène européenne, quand on pense avoir touché le fond, nos dirigeants trouvent toujours le moyen de creuser plus profond.

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